Le nouvel Observateur

No. 1551 DU 28 JUILLET AU 3 AOUT 1994

EXPOSITIONS

Art and Science


“Birth of the World” recreated by Steve Miller, an artist who sends his models to the hospital.

A return to Classicism? At first one could believe this if referring to the intentions of Steve Miller, who makes the most exact portraits possible. For this American artist when facing the person he wants to represent, it does not suffice to seize the simple exterior appearance, such as revealing the fold of the lip or capturing a fugitive expression which passes in the eyes. No, Miller wishes to go further, much further: until he discovers what is hidden “under the skin”. Then, he calls up science, using the most modern medical technologies: x-rays, sonograms, and MRI. An exploration of the body begins magically and mysteriously. Instead of posing long hours in the studio for him, his models have accepted to submit to a medical examination. No longer does anything escape this painter who works in combining these multiple analysis. From a model’s blood test, he makes a culture in order to divide the nuclei of the cells, then photographs the chromosomes in different states of their division, then laser scans the photo for loading them into a computer to rework the images, which allows for a film positive output. Finally he places this film on a silk-screen. Opposing the hazy x-ray forms, to the lines of the scanner, the acrylic colors display a strange power. One believes in an incantation where by the most mysterious means of science, the portraitist possesses the soul of his model. Under the acrylic, the numbers, the existing notations, the indelible remains, carry the anguish of a dry precision which comes in contrast with the lyricism of the yellows and blues which dominate.

Sometimes, forgetting the dialogue between art and science, Steve Miller addresses, with the blink of the eye, Van Gogh or Jasper Johns. Or pays homage to “The Birth of the World”, the painting of Gustave Courbet so shocking that the collector who owned it, placed it in a double frame to mask with a piece of fabric representing a castle in the snow. Recently, this painting was again the object of scandal when it appeared on the cover of a book by Jacques Henric, “Adorations Perpetuelles.” In a more provocative way, Steve Miller, shows the interior of mother’s belly with two sonograms of the fetuses which rest there: “birth of the world”, he says.

France Huser

L’art et la science

L’origine du monde recréée par

Steve Miller, un artiste qui envoie ses modèles à l’hôpital

Retour au classicisme? On pourrait d’abord le croire si l’on se référait aux intentions de Steve Miller: faire des portraits, le plus exacts possible. Mais pour cet artiste américain, face à la personne qu’il veut représenter, il ne suffit pas de saisir la simple apparence extérieure, ni ce que révèle le pli de la lèvre, une expression fugitive qui passe dans les yeux. Non, Miller veut aller plus loin, beaucoup plus loin: jusqu’à découvrir ce qui est caché «sous la peau». Le voici alors qui fait appel à la science, utilise les technologies médicales les plus modernes: radiographies, échographies, et RMN (images à Résonance Magnétique Nucléaire). Une exploration du corps humain commence, mystérieuse, envoûtante. Au lieu de poser pour lui de longues heures à l’atelier, ses modèles ont accepté de subir des examens à l’hôpital. Rien n’échappe plus au peintre qui travaille en combinant des analyses multiples. A partir d’une prise de sang du modèle, il fait faire une culture pour que les noyaux des cellules se divisent, puis photographie les chromosomes aux différents stades de leur division, scanne ces photographies au laser, les fait entrer dans un ordinateur, travaille les images obtenues, en tire un film. Il reporte enfin ce dernier sur un écran sérigraphique. S’opposant aux formes floues des radiographies, aux lignes des scanners, les couleurs de l’acrylique déploient alors un étrange pouvoir. On croirait une incantation où, par des moyens encore plus mystérieux que la science, le portraitiste tente d’atteindre l’âme même de son modèle. Sous l’acrylique, des chiffres, des notations subsistent, vestiges ineffaçables, apportant l’angoisse d’une précision sèche qui vient contraster avec le Iyrisme des jaunes, des bleus qui dominent.

Parfois, oubliant ce dialogue entre art et science, Steve Miller adresse un clin d’il à Van Gogh ou Jasper Johns. Ou rend hommage à «L’Origine du Monde», ce tableau de Gustave Courbet si choquant que le collectionneur qui le possédait l’avait placé dans un double cadre, le masquant par un pan de tissu représentant un chateau sous la neige. Tout récemment encore objet de scandale lorsqu’il apparut sur la couverture du livre de Jacques Henric «Adorations perpétuelles». Avec plus de provocation encore, Steve Miller montre l’intérieur du ventre de la femme, des échographies des deux ftus qui y reposent: «L’Origine du Monde», dit-il. France Huser Jusqu’ au 4 septembre, «Art et Nouvelles Technologies», Concremiers (à 60 kilomètres de Poitiers)