art press spécial
No. 12, 1991
Steve Miller
Vers une peinture virtuelle
A mon sens, il faut chercher à établir une complémentarité entre le langage de la peinture et le langage de I’ordinateur (qui opère par digital byts, pixels et algorithmes).
Entre autres choses, parce que la peinture est un médium qui a été surexploité, et que dans l’expressionnisme pur, comme dans l’expressionnisme abstrait, le “geste,” et la marque personnelle de l’artiste ont fini par perdre Ieur signification. Et aussi parce qu’avec l’intelligence artificielle, nous assistons à l’avènement d’une nouvelle facon de penser (dont, d’ailleurs, les avant-gardes de ce siècle figurent le signe annonciateur, en particulier dans le domaine du langage littéraire).
Il s’agit donc, pour moi, de travailler dans l’espace intermédiaire, dans l’entre deux où nous nous trouvons culturellement: entre “I’intimité” des langages et des gestes “purs” et la distanciation et la complexité induites par le langage de la technologie. Le problème, avec I’ordinateur, c’est qu’on dispose simultanément d’une grande quantité d’images, et qu’il est donc difficile de faire un choix. Au début, je voulais jouer avec toutes ces possibilités, mais aujourd’hui, le désir de simplifier constitue l’axe majeur de mon travail.
En visitant la salle Rothko au musée de Los Angeles, j’ai été profondément ému par la simplicité de ses oeuvres.
Ainsi, dans un avenir proche, je continuerai à utiliser le langage de la peinture et celui de I’ordinateur, mais en les amplifiant, de facon à ce qu’ils s’entremêlent et interagissent I’un par rapport à l’autre. Enfin, dans mes projets actuels, figure l’idée d’exploiter en tent qu’artiste les possibilités offertes par les environnements virtuels.
Je réfléchis donc à une peinture virtuelle, qui existe dans un espace qui n’est pas réel: ces technologies sont encore balbutiantes; mais, dans la mesure où, dans un avenir que j’espère proche, la possibilité de les utiliser me sera offerte, je me sens prêt!