art press 187, janvier94 international edition – paris

STEVE MILLER

A.B. galeries 4 novembre-22 décembre 1993

art press 187, janvier94 international edition – paris

Translation from Art Press review by Brice Matthieussent.

Computer, x-ray, sonogram, mammogram, MRI, electron microscope: the American artist Steve Miller uses all of these precision technologies in his last Parisian exhibition, where he presented a collection of portraits. For the artists of the Renaissance, the viewer could, through the eyes of the portrait, penetrate the soul of the model. This route, from the surface towards the depths, from appearance to essence, is interpreted by Steve Miller in his materialist and technological manner: he searches to show neither a soul nor an essence, philosophical objects without doubt antiquated, but he literally exhibits the interior of the body- skulls, hands, teeth, hips, breasts, etc.

In a well-known group portrait painted during the 1870’s, Fantin-Latour gathered artists of his epoch. For Steve Miller, the entire space of the gallery where he exhibited is the equivalent of this group portrait. Miller shows the portraits of the critic Pierre Restany, his dealer Albert Benamou, a collector, his mother and the English writer Simon Lane, the author of the catalogue text. One recalls the portraits of the dealer Kahnweiler by Picasso, Emile Zola by Manet, and the artist’s mother by Warhol. The public icons of Warhol without doubt end the classical tradition of portraiture in refusing all subjectivity to their model, reducing the object to the status of grand consumption.

Steve Miller revives the genre of portraiture in using the means of reproduction and contemporary simulation. The examples of Duchamp and Johns for him are crucial. Thus, far from being similar to the purely “retinal”, his images usually live invisible to the naked eye witnessing a mechanical vision: an electronic reproduction, automatic, a collection of surgical swabs which are already organic “ready mades”. The idea of a factory of images evidently seduces Steve Miller. After having worked for a long time with the Rorschach test and their automatic psychological associations, Miller re-appropriated himself, in his own specific context, as in the work of Johns creating his flags, his numbers and the letters of the alphabet composed from a mechanical system for generating the image. Clearly it seems that a contemporary equivalent of this systematic pictorial production must be the computer, whose invention and global dissemination marks a new epistemological break. One of the great achievements of Steve Miller’s work is to take into consideration this rupture. In earlier work, Miller appropriated the rotoreliefs of Duchamp. Today he humorously appropriates the sculpture of Jasper Johns entitled “The Critic Speaks”, teeth superimposed on a pair of glasses: as a matter of fact, the portrait of the writer Simon Lane is composed of x-rays of the writer’s teeth placed in the center of a reproduction of a painting by Van Gogh “Still life with Books”

The technological imagery of Steve Miller would rest coldly and distanced without the tactile presence of the acrylic paint whose intimate character recalls the presence of numerous fluids from the body’s interior. A color penetrating a vagina resembles a sperm. The self-portrait of the artist is revealing: it’s a question of white cells from the artist’s blood, which surely evokes a test for AIDS. Hasn’t the analysis of the hospital replaced the traditional poses in the studio, where the model accepted to expose to the public what was most intimate?

(Article text in french follows)

Ordinateur, scanner, échographie, mammographie, résonance magnétique nucléaire, microscopie électronique: I’artiste américain Steve Miller utilise toutes ces technologies de pointe dans sa dernière exposition parisienne, où il présente un ensemble de portraits. Pour les artistes de la Renaissance, le spectateur pouvait pénétrer à travers les yeux du portrait afin d’atteindre l’âme du modèle Ce parcours, de la surface vers la profondeur, de l’apparence vers l’essence, Steve Miller l’interprète à sa manière matérialiste et technologique: il ne cherche à montrer ni une âme ni une essence, objets philosophiques sans doute surannés, mais il exhibe littéralement l’intérieur du corps – crânes, mains, dents, hanches, seins, etc.

Dans un célèbre portrait de groupe peint durant les années 1870, Fantin-Latour réunit plusieurs artistes de son époque. Pour Steve Miller, I’espace global de la galerie où il expose est l’équivalent de ce portrait de groupe. Miller montre en effet les portraits du critique Pierre Restany, de son galeriste Albert Benamou, d’un collectionneur, de sa mère et de l’écrivain anglais Simon Lane, I’auteur du texte du catalogue. On se rappelle aussi les portraits du marchand Kahnweiler par Picasso, d’Emile Zola par Manet, de la mère de l’artiste par Warhol. Les icônes publicitaires d’Andy Warhol achèvent sans doute la tradition du portrait classique en refusant toute subjectivité à leur modèle, réduit au statut d’objet de grande consommation.

Steve Miller réactive le genre du portrait en puisant dans les modes de reproduction et de simulation contemporains. Les exemples de Duchamp et de Johns sont pour lui aussi déterminants. Ainsi, loin d’être assimilables au pur «rétinien», ses images d’habitude invisibles à l’il nu témoignent d’une vision machinique, d’une reproduction électronique, automatique, d’un ensemble de prélèvements chirurgicaux qui sont comme des ready made organiques. L’idée d’usine à images séduit manifestement Steve Miller. Après avoir longtemps travaillé sur les tests de Rorschach et les automatismes psychiques associés, Miller se réapproprie, dans son contexte spécifique, la démarche de Johns créant ses drapeaux, ses chiffres et ses lettres de l’alphabet grâce à un système machinique de génération de l’image. Il semble bien que l’équivalent contem pora in de cet algorithme de production picturale soit l’ordinateur, dont l’invention et la diffusion mondiale marquent une nouvelle coupure épistémologique. L’un des grands mérites du travail de Steve Miller est de prendre en compte ce bouleversement.

Dans des uvres un peu plus anciennes, Miller se réappropriait les rotoreliefs de Duchamp. Aujourd’hui, il se réapproprie avec humour la sculpture de Jasper Johns intitulée The Cntic Speaks (le Critique parle), un dentier superposé à une paire de lunettes: en effet, le portrait de l’écrivain Simon Lane est composé d’une radiographie des dents de l’écrivain placée au centre d’une reproduction du tableau de Van Gogh, Nature morte avec livres…

L’imagerie technologique de Steve Miller resterait froide et distanciée sans la présence tactile de l’acrylique dont le caractère «intime» rappelle la présence de nombreux fluides à l’intérieur du corps. Une coulure pénétrant un vagin évoque le sperme. Et l’autoportrait de l’artiste est révélateur: il s’agit d’une image des globules blancs de son sang, qui évoque bien sûr un test de dépistage du sida. Les analyses dans les hôpitaux n’ont-elles pas remplacé les traditionnelles séances de pose à l’atelier, où le modèle acceptait de livrer au public ce qu’il avait de plus intime ?

Brice Matthieussent